6 oct. 2010

Un Français recalé d'une base militaire à Okinawa (*)


*Ce titre racoleur est destiné à améliorer le référencement du blog, rien de plus.



Portail de la base (caméra méga cachée de technologie slovaque)

Un matsuri sur une base militaire américaine : la soirée avait au moins deux arguments pour un Français un peu curieux.


C'est à l'invitation d'un ami canadien qui travaille sur une base dont je ne citerai le nom que nous nous sommes présentés à son entrée, un soir d'août, avec des camarades macanaises, coréennes et japonaises. Ayant pu passer le premier portail sur simple présentation de nos pièces d'identité, nous étions confiants, nous allions enfin pouvoir voir une base de l'intérieur... Je veux dire : de l'extérieur de l'intérieur. Nous sommes donc montés un peu euphoriques dans la navette qui reliait cette entrée au matsuri, quelques kilomètres plus loin (les bases font souvent la superficie d'une petite ville). Mais comme disait une de mes profs d'histoire au lycée...


« Sauf queuille sauf queuille »


Sauf queuille il y avait à la sortie de la navette un deuxième contrôle. Nous avions passé le premier sans encombres, aucune raison de ne pas franchir le deuxième, pensai-je. Les Coréennes passent sans souci, les Japonais, en tant qu'hôtes, ne sont pas inquiétés non plus. C'est le Français et les Macanaises qui suscitent des interrogations.

J'ai pensé que c'est parce que le militaire qui nous accueillait, appelons-le Carlos, n'avait jamais entendu parler de ces pays et qu'il voulait procéder à des vérifications pour impressionner ses copains pour le prochain tournoi de Trivial Pursuit. Étonnamment, les raisons étaient différentes, mais nous avons quand même eu droit à un contrôle à l'ancienne : papiers d'identité, numéro de téléphone, photocopie des papiers, photo du visage. Bon, si c'est la procédure pour entrer sur une base, peu importe... me dis-je, optimiste.


« Sauf queuille sauf queuille »


Carlos, efficace et utile comme un ours dans un magasin de poterie, contine la procédure : il vérifie la liste des pays dont les resortissants ne peuvent pénétrer les bases sans autorisation : vous savez, la première étape du contrôle. Vous l'aviez deviné, la France fait partie de la liste noire, aux côtés de la Russie, de la Chine, de la Corée du Nord, de Cuba, de l'Afghanistan, de la Somalie, de l'Iran ou encore de l'Irak, pour ne citer que les amis historiques. Sans blague !

C'est avec un sourire plein de dents et de satisfaction que Carlos confirme : vous ne pouvez pas entrer sur la base. Pedro, son collègue, continue : « vous auriez été militaire français, ça n'aurait sans doute pas posé de problème ». Tu l'as dit, Pedro ! On nous a quand même précisé qu'avec l'autorisation d'un « general or somethin' like tha », on pourrait rentrer la prochaine fois. Ah, si remplir des autorisations pour les festivals d'été fait partie du boulot des généraux, tout s'explique !

Sur la légalité de la procédure et du probable archivage de nos données, je ne sais quoi penser. Je n'ai en tout cas pas jugé nécessaire de faire de scandale alors que j'avais les pieds sur un territoire américain lui-même situé sur un territoire japonais. Je serais journaliste au Monde, ça aurait débouché sur un bel orage diplomatique (mais à quoi bon, comme vous le savez tous, je ne cherche pas le bruit mais l'argent, la drogue et les filles).

« Sauf queuille sauf queuille »


Sauf que je ne suis pas journaliste au Monde et que, ça risque de vous surprendre, ce que je souhaite vraiment n'est pas d'aller écouter des groupes de rock californien en mangeant des hot-dogs, mais de vivre à Okinawa sans faire de vagues : de jouer du sanshin en tailleur (on se comprend... Je parle bien sûr du vêtement) dans ma chambre en tatamis, de discuter avec des coureurs de 80 ans le dimanche à 6h du matin, d'écouter du Ravel sur la plage en buvant du jus de shikwasa, de hurler intérieurement de joie quand les constellations que je vois de mon balcon donnent raison à ma carte du ciel, de prendre cent fois le même endroit en photo parce que j'ai chaque fois l'impression qu'il est plus beau que la veille... En bref, de vivre tout ce qui constitue le bonheur sans m'en rendre compte sur le moment !



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